Si on est rattaché au Puy, on est mort

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Les 1 100 hôpitaux de France ont amorcé la réforme territoriale votée par la loi de santé. Si certains groupements hospitaliers de territoire (GHT) sont constitués sans heurts, d’autres naissent dans la douleur. A Brioude, le conseil de surveillance de l'hôpital public et la commission médicale d'établissement se sont prononcés en faveur d'un rattachement au GHT de Clermont-Ferrand. Une vingtaine de conseils municipaux et trois communautés de communes ont adopté un vœu allant dans le même sens. Plus récemment, les médecins généralistes brivadois ont fait connaître leur préférence pour Clermont, à l’instar de la population, consultée par l’intermédiaire d’une pétition qui a déjà recueilli plus de 1500 signatures. De l’avis général, le choix s’impose : c’est Clermont-Ferrand.
Seulement voilà, l’Agence régionale de santé (ARS), à qui revient la décision, n’est pas de cet avis et entend bien rattacher l’hôpital de la cité Saint-Julien au centre hospitalier Emile Roux (CHER) du Puy-en-Velay, et donc au CHU de Saint-Etienne. Une aberration pour le Comité de vigilance de l’hôpital, qui a réuni les élus du bassin de santé à la mairie de Brioude, mardi 17 mai. Cependant le directeur du centre hospitalier Emile Roux se veut rassurant, cela ne va rien changer pour les Brivadois.

Une logique de territoire

« Un rattachement au Puy n’est pas pertinent », a insisté François Boudet, président du Comité. « On a un bras de fer engagé avec l’ARS mais on a de sérieux atouts ». A commencer par les coopérations hospitalières et les consultations avancées qui existent depuis longtemps déjà entre Brioude, Issoire et Clermont. Le scanner d’Issoire, par exemple, a été présenté lors de son installation comme un outil commun aux hôpitaux d’Issoire et de Brioude, et ce dernier possède un créneau horaire pour son utilisation. Le suivi obstétrique lui aussi est réalisé à Issoire. Dernier argument en faveur du Puy-de-Dôme, et non le moindre : la route. Le bassin de vie brivadois est naturellement tourné vers Clermont, car pour ses habitants le choix est vite fait entre l’A75 permettant de gagner la capitale auvergnate en 45 minutes et la RN102 conduisant au Puy via un col à 1 100 mètres qui n’est pas déneigé entre 22h et 6h. Sans parler du trajet supplémentaire pour aller jusqu’à Saint-Etienne. « Il est hors de question de voir des patients de Brioude aller se faire soigner à Saint-Etienne. Le GHT ne changera rien pour les patients de Brioude puisque ce ne sont pas eux que l’on prévoit de déplacer, mais les médecins qui iront du Puy vers Brioude comme avec le projet ophtalmologique. », rassure Jean-Marie Bolliet, directeur du centre hospitalier ponot.

Un mariage et un enterrement 

En somme, le rattachement à Clermont apparaît comme une évidence à Brioude. Alors que l’option du Puy pourrait avoir de lourdes conséquences. « Si on est rattaché au Puy, l’hôpital de Brioude est mort », a résumé le conseiller régional André Chapaveire.
A moyen terme, le risque encouru pour l’établissement de Brioude c’est de « devenir un hôpital pour soigner les bobos. Ou un EHPAD », d’après le pronostic de Serge Baylot, qui tirait la sonnette d’alarme dans un communiqué, quelques semaines plus tôt. Selon le représentant des usagers au sein du conseil de surveillance, les urgences sont menacées parce que les personnes accidentées exigeront d’être prises en charge par celles du Puy-de-Dôme. La médecine spécialisée est menacée parce que les patients vont demander à leur médecin une hospitalisation à Clermont. La chirurgie est menacée parce que les praticiens du Puy, toujours à cause de la route, vont oublier les blocs opératoires brivadois. Ils viennent déjà à Brioude à reculons, d’ailleurs. Pour preuve, en 2015, 35 patients seulement ont été opérés de la cataracte par un chirurgien ponot, au lieu des 500 prévus par un partenariat médical qui a montré ses limites. Pour l’ophtalmologie mais aussi pour l’hospitalisation à domicile. Pour faire simple, les coopérations mises en place entre Brioude et le Puy, « ça ne marche pas ». Dixit Jean-Jacques Faucher, maire de Brioude et président du conseil de surveillance de l’hôpital.

Un accès aux soins à double vitesse

D'après les Brivadois, le rattachement au Puy pourrait donc mettre l’hôpital de Brioude en péril mais il pourrait aussi pénaliser la patientèle et donner lieu à un accès aux soins à double vitesse. Car une question laisse dubitatifs élus et membres du Comité. Celle des sanctions encourues par les patients qui ne suivraient pas la filière imposée et opteraient malgré tout pour Clermont. Auraient-ils la même couverture médicale ? « La directrice de l’ARS a dit qu’il n’y aurait aucune pénalité mais on peut imaginer que l’accompagnement et la prise en charge financière vont suivre », a déploré Pierre Héno, maire de Saint-Ilpize. Et André Chapaveire de trancher : « ceux qui ont du fric iront dans les cliniques privées à Clermont, les autres seront trimballés au Puy et à Saint-Etienne ». D’autres encore pourraient bien « abandonner l’idée de soins désormais impossibles sur place », selon Serge Baylot. Des propos que le directeur de l'hôpital du Puy regrette, il rassure à nouveau : « Le GHT de Haute-Loire ne doit pas rompre les soins avec les Brivadois. Il respectera les partenariats anciens qu’ils ont avec Clermont et Issoire. Nous sommes dans l’objectif de fortifier ce qui existe, pas de l’amoindrir, de l'affaiblir ou le détruire » .

Et le scanner dans tout ça ?

L’étude pour l’installation d’un scanner à Brioude est étroitement liée à la question des GHT et au sort de Brioude. Or, si l'hôpital brivadois est rattaché au Puy, ses espoirs d'obtenir un scanner s'envolent, selon le Comité de vigilance. Et d'un autre côté... « Madame Wallon ne l'a pas dit clairement mais on a bien senti une forme de chantage dans ses propos », a souligné Alain Garnier, maire de Saint-Georges d'Aurac et vice-président du Comité. « Si on fait trop les zouaves, il n'y aura pas de scanner à Brioude ». Une menace voilée qui n'arrêtera pas les militants. « On en a marre d'être pris pour des lapins de trois semaines », a asséné Alain Garnier.

Absurdité administrative ou guerre d’influence ?

Alors, face à toutes ces réticences, pourquoi l’ARS s’obstine-t-elle à vouloir rattacher Brioude au Puy ? « La directrice de l’ARS est arrêtée sur un échelon administratif alors qu’en réalité il n’y pas beaucoup de GHT qui sont départementaux », a indiqué Jean-Jacques Faucher, rendant ainsi compte de l’entretien obtenu une semaine plus tôt avec Véronique Wallon. Une raison qui a fait bondir Léon Martin, membre du Comité. « L’administratif prime sur la santé des gens », s’est-il insurgé. « C’est carrément dégoûtant mais on en est là. La santé des gens, on s’en fout ».
André Chapaveire, quant à lui, a invoqué une autre raison. « Le rattachement au Puy est fait pour conforter l’hôpital du Puy et c’est tout », a-t-il affirmé. « Faut pas se raconter des salades, on sait tous très bien qui veut qu’on soit rattaché au Puy ». Et s’il ne l’a pas nommé, chacun a bien compris que l'élu parlait du président de région, par ailleurs président du conseil de surveillance d’Emile Roux.

Une mobilisation pour obtenir gain de cause

Quelles que soient les raisons de l’ARS, les élus, le personnel médical et les usagers sont bien décidés à faire valoir leurs arguments. D’autant qu’une petite lueur d’espoir subsiste. « Madame Wallon a dit : je ne changerai pas d’avis mais je peux changer de position », a rapporté Jean-Jacques Faucher. « Il faut faire en sorte d’être convaincants pour que cette dame change de position ». Pour cela, le Comité envisage d’organiser une manifestation dans les rues de la cité Saint-Julien, en juin. Et une entrevue au Ministère de la Santé a été sollicitée, à la fois par Jean-Jacques Faucher, par André Chapaveire et par le député Peter Vigier. Entre les propos rassurants venus du Puy et les fortes inquiétudes brivadoises, difficile de s'y retrouver. Affaire à suivre...

I.A.
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